![]() |
Un train à vapeur |
![]() |
Un train voyageur à l'arrêt |
L’OCDN (Organisation Commune Dahomey-
Niger des Chemins de fer et des transports) devenue à l’avènement de la
révolution OCBN (Organisation Commune
Bénin- Niger des Chemins de fer et des transports), a été créée suite aux
difficultés de déplacement de la troupe française lors de la conquête de
Dahomey.
Cette même OCBN va désormais céder place à BENI- Rails,
la nouvelle société concessionnaire du chemin de fer, créée par le Bénin et le
Niger. Mais avant la concrétisation de cet avenir prometteur pour la société,
elle aura traversé et continue de traverser une longue période de difficultés
et d’incertitude malgré les tentatives pour lui redonner un souffle.
En
2007, l’Etat tente à deux reprises de relever la société agonisante. Mais les
diverses actions ne donnent pas encore de résultats rassurants notamment pour
le personnel.
Les employés sont à près de
18 mois d’arriérés de salaire. Le cas de Idelphonse
Agbessi, agent de sécurité est émouvant :
Son propriétaire, malgré son
immense bonté, perd patience après 5 mois d’arriérés de loyer. En pleine saison
pluvieuse, il enleva quelques feuilles de tôle et la porte de la chambre louée
à Idelphonse..
Et comme le malheur n’arrive
jamais seul, la femme de, Idelphonse
Agbessi et ses enfants l’ont également quitté. Ce cas malheureux n’est
qu’un exemple parmi tant d’autres.
A chaque cheminot son histoire. C’est dire que
de l’OCDN à BENI- Rails beaucoup d’eau a coulé sous les rails. Qu’est devenu
concrètement l’outil de coopération commerciale entre le Bénin et le
Niger ? Retour sur les années sombres de l’OCBN et sur l’embellie promise
pour elle.
Pour la petite histoire…
L’histoire du chemin de fer
au Dahomey devenu Bénin en 1975 est associée à celle de la colonisation.
C’est en effet le colon
français qui a construit les rails pendant plus de trente ans au début du 20ème
siècle entre 1901 et 1936.
Au cours de la conquête du
Dahomey, la puissance militaire du corps expéditionnaire avait été éprouvée par
des pertes dues aux maladies, aux accidents résultat des déplacements lents et
dangereux, aux fatigues déprimantes sous un climat torride.
Le général Dodds qui
dirigeait la troupe, dans une correspondance datée du 14 février 1893 adressée
au secrétaire d'état des colonies, réclamait un chemin de fer à voie étroite de
Cotonou à Ouidah.
Huit ans plus tard, en 1901,
le premier chemin de fer a été réalisé entre d’abord les deux villes balnéaires
Cotonou et Ouidah.
A cette époque, le travail
est fait avec des moyens rudimentaires. Antoine
TCHIBOZO, ingénieur, inspecteur principal hors classe de l’OCBN à la
retraite témoigne : « Les gens amenaient le ciment en tonnelet de la
France et déchargeait tout ça au bord de la mer il fallait maintenant
transporter tout le matériel nécessaire à la construction jusqu’au chantier,
sur la tête, dans des hamacs et par divers moyens élémentaires. »
Les français ont donc fait
recours pour ce travail à la main-d’œuvre locale. Ils étaient obligé d’associer
les chefs de canton, les chefs traditionnels pour avoir la main- d’œuvre
renchérit Jacob TOSSA, enseignant chercheur, auteur de la thèse les effets
géographiques du chemin de fer au Bénin.
C’est dans ces conditions
pénibles de travail presque forcé que les rails arrivent à Parakou en 1936 en
passant par Bohicon, Savè et Tchaourou. En plus de cette ligne Sud-Nord (438
km), il y a les tronçons Cotonou, Ouidah, Sègbohouè et Cotonou, Porto- Novo,
Sakété, Pobè.
Des retombées des rails sont
encore visibles plus d’un siècle après. Retenons d’abord les différents ponts
sur les cours d’eau à l’Est comme à l’Ouest du Bénin. Mais ce qui est plus
frappant est l’impact du chemin de fer sur le développement des localités
traversés et particulièrement celle qui étaient des gares de trains.
Un train à l’arrêt dans une
localité est comme un porte- bonheur. Les premiers heureux sont bien évidemment
les commerçants.
Madeleine Bara, vendeuse à
la gare OCBN de Dassa : « Je fréquente cette gare depuis mon
enfance à côté de ma mère qui y faisait de petite commerce avec mes grande
sœurs.
Devenue maman, moi-même j’ai
continué par vendre du ‘’TCHAKPALO’’(boisson sucrée locale) ici. Quand le train
arrive ici à la gare, les passagers achètent beaucoup surtout les vendredis,
samedi et dimanche.
Mais oui, on faisait de bonne affaires. Grâce à l’OCBN, je
faisais vivre toute ma famille et j’ai pu supporté les études de mes enfants
jusqu’à l’Université. Avec les économies réalisées ici, j’ai même pu construire
deux maisons.
Non l’OCBN, c’était vraiment
doux.
Ensuite, les localités qui
abritent des gares se sont développées grâce aux trains.
Le
rythme de développement passe par le rythme des chemins de fer
![]() |
Pose de rails |
![]() |
Le train à la gare de Bohicon |
Antoine
TCHIBOZO précise : « Pour l’entretien et l’exploitation
technique des chemins de fer, tous les 25, 30 km et un peu plus on implante des
gares.
Ces gares commencent avec le personnel
ferroviaire ensuite c’est la famille du personnel, les gens se développent
autour de ce pôle puis ça grandit, ça grandit et devient une agglomération puis
ensuite un village, puis ensuite peut être une ville.
Par exemple Bohicon ne
serait pas ce que Bohicon est sans le chemin de fer, Parakou également. Donc la
pose des rails appelle le développement. »
Pour mieux comprendre le
lien entre rails et développement, il faut comparer les villes qui ont vu
passer et celle qui en sont dépourvues. Le constat est éloquent. La ville
d’Abomey dont les rois ont rejeté les rails parce que les trains à vapeur
faisaient trop de bruit, doit aujourd’hui envier la ville voisine de Bohicon
qui a pris les relais.
L’ancien Directeur Général
de l’OCBN, Rigobert AZON
atteste : « Les rails étaient jusqu’à Abomey ; les rois ont dit
il y a trop de bruits, nous ne voulons pas de gare à Abomey.
Quand ils ont supprimés la
ligne ‘’ABZ’’(Abomey- Bohicon- Zangnannado), Bohicon a pris le pas et
aujourd’hui, Bohicon a un développement qui n’est pas à comparer à celui
d’Abomey.
Donc sur le plan économique,
les chemins de fer ont beaucoup contribué à la relance économique. »
Par ailleurs, le palmier à
huile qui faisait la fierté du Bénin ne pouvait connaître un tel essor sans les
chemins de fer.
Le transport ferroviaire des
marchandises à l’intérieur du pays jusqu’à Parakou d’où les camions prenaient
le relais à destination du Niger, a impacté l’économie des deux pays.
Jusqu’en 1985, c’est l’OCBN
qui transportait la quasi- totalité de ce qui allait au nord, ainsi que ce qui
était destiné pour le Niger et les autres pays de l’hinterland.
Les chiffres des années 90,
montrent que l’OCBN transportait entre 350 et 400 milles tonnes de marchandises
par an et avec un chiffre d’affaires de près de 8 milliards de francs CFA. Mais
la compagnie va amorcer une pente glissante quelques années après.
La
descente aux enfers
![]() |
Les trains voyageur au dépôt |
![]() |
Les trains voyageur au dépôt |
A l’origine du déclin de
l’OCBN, il y a l’arrêt des subventions publiques, confie Rigobert AZON, ancien directeur général de la société. ‘’Les états
subventionnaient l’OCBN jusqu’en 85 mais avec l’ajustement structurelle des
années 80, la banque mondiale et les instances de Bretonwood ont dit que les
chemins de fer n’ont pas besoin de subventions des états et on a interdit aux
états d’afrique de subventionner les chemins de fer.
Et à Jacob TOSSA de
déplorer : « depuis 1979, 1980 plus rien n’allait. »Au fil des
années, ce sont d’abord les lignes côtières essentiellement sociales qui ont
été supprimées. La ligne Cotonou, Parakpou seul est maintenue avant de se
plonger dans un long sommeil aussi.
Comment expliquer cette
situation ? Le Directeur général de l’OCBN jusqu’à l’abrogation du décret
de création de la société Issakou
Souleymane répond : « C’est vrai l’OCBN a des difficultés
énormes, une structure qui a soufferte d’un manque d’organisation en son sein,
une situation due au fait que certains responsables ont mis du temps à
comprendre et l’on laisser s’enfoncer dans le gouffre qui est le sien
aujourd’hui ».
BENI-
Rails : L’espoir
La carte ferroviaire de l'Afrique occidentale |
Conscient de l’importance du
chemin de fer dans leur économie, le Bénin et le Niger décident de sauver les
meubles. Et la trouvaille va au- delà de ce qu’a été l’OCBN. Ils inscrivent
désormais la ligne Cotonou- Parakou- Niger dans la boucle ferroviaire de l’Afrique
de l’Ouest qui concerne aussi le Togo, le Burkina- Faso et la Côte d’Ivoire.
Mais avant l’aboutissement
de ce gigantesque projet, le Bénin et le Niger veulent redonner vie à
l’existant et prolonger la ligne de Parakou à Niamey ; Pour cela, ils ont
fait appel au groupe français Bolloré. C’est le nouveau concessionnaire de
BENI- Rails, la société qui remplace l’OCBN.
Le groupe français doit
réhabiliter la ligne Cotonou- Parakou et construire enfin la ligne Parakou-
Niamey tant attendu de l’autre côté au Niger. Justement là- bas, le tronçon
Niamey- Dosso long de 140 km a démarré.
Au Bénin, les choses tardent
à reprendre ; mais des signes annonciateur sont visibles ; tels la
rénovation de la gare centrale de Cotonou, la contruction de la bluezone de Zongo
et dernièrement le lancement des travaux des travaux de reconstruction de la
ligne Cotonou- Parakou.
C’était le 19 mars 2015 à
l’occasion d’une cérémonie solennelle présidée par les présidents béninois et
nigérien.
Transporteurs, conducteurs,
et cheminots attendent la concrétisation du projet qui a leur yeux sera
bénéfique d’abord à la route. En effet, le transport par camions participe de
la dégradation des routes bitumées.
Le train servira à soulager
les routes complètement abîmées par les charges des camions.
Pascal
KPANOU, agent de l’OCBN en service à Bohicon, explique :
« Si le train était toujours opérationnel, la voie bitumée Cotonou Bohicon
ne serait pas dans cet état de
délabrement avancé.
L’état investit énormément
pour la construction des voies bitumées or si on investit dans le chemin de
fer, le chargement à l’essieu non respecté par les gros camions ne va pas
détruire la route. »
Le retour du train est plus
que jamais indispensable. Et dans cette affaire, tous les acteurs du transport
trouveront leur compte.
Le rail n’est pas contre la
route, la route ne peut pas être contre le chemin de fer.
Mots
clés :
OCBN, Chemin de fer, Train, transport, Bénin- Niger, BENI- Rails.
Commentaires
Enregistrer un commentaire