Habitués
au goût du poisson frais marin, les habitants de Cotonou et environs sont
désormais condamnés à consommer poissons surgelés.
J
|
eudi 30 avril,
veille de fête. Au port de pêche ce n’est pas la grande affluence. Au niveau
des étalages des poissons, les frigos sont presque vides. A l’embarcadère, les
pirogues sont au repos. Les pêcheurs profitent de ce répit pour entretenir les pirogues
et réparer leurs moteurs.
Devant un
étalage un acheteur habillé en … jette un regard sur quelques poissons frais et
luisants plongés dans une bassine remplie de glaçons.
Pélagie la trentaine, revendeuse de poissons
au port de pêche artisanal Zone 3 vante ses poissons : « ce sont des filets, de mérous, des dorades
roses, des carpes ; faites votre choix monsieur ».
Pendant ce
temps…
Chérie !
Des dorades pour ce soir, ça te dit ?
Oui, ça
dépend du prix répond sans enthousiasme; c’est comme si l’on est au marché de
tissus TCHIGAN (tissu de haut de gamme) répond son épouse
Madame
Pélagie rétorque avec un regard
dédaigneux: « madame
salon »
Et moi qui
pensais faire de la grillade de carpe avec beaucoup d’ail et de tomate ce soir
pour mon mari ; eh bien c’est rater ! Dit une autre cliente.
Pélagie
explique : « Normalement à cette saison, madame ils sont livrés à
leur plus bas coût mais avec les difficultés que rencontre les pêcheurs ses
derniers temps, nous ne pouvons nous le permettre.
Monsieur X,
madame !
Pélagie : « le prix normal oscille entre 7
et 10 milles francs pour les dorades roses monsieur »
Monsieur
X : « pour combien
de poissons ? »
Pélagie : « c’est à pendre ou à laisser »
« A ce
prix là, le poisson n’est pas à la portée de toutes les familles, je vois
pourquoi c’est la grande affluence chez les vendeurs de surgelés »
commente monsieur X avant de remettre 10 milles francs CFA à Pélagie qui lui
emballe un lot de poissons et lui retourne la monnaie de 2 milles CFA.
Pélagie : « (dès le début)(guillemet au départ et à la fin)Lorsqu’il y avait beaucoup de
poissons, la caisse coûtait 40 à 50000
fracs CFA mais maintenant les prix ont augmenté et nous, nous ajustons nos prix
de vente par rapport aux prix d’achat.
Les pêcheurs
roulent à perte ces derniers temps et cela se répercute sur nous revendeurs,
nous sommes parfois obligés de leurs avancer de l’argent pour garantir les
poissons.
Pendant la
chaleur, les eaux ne donnent pas assez de poissons ; ce qui fait des
pêcheurs des migrants.
Outre le
coton, ajoute-t-elle la pêche aussi peut être pourvoyeuse de devises ; il faut que l’Etat jette un regard sur ce
secteur. »
Au niveau de
la section pêches du port les avis
sont divergents
Louis Kakpo, statisticien : « L’importation
n’est pas source de devises pour un pays ; c’est pourquoi il faut développer la
pisciculture, c’est l’une des solutions au problème de la raréfaction de
poissons.
Et c’est pour
remédier à ce déficit que le bénin à opter pour l’élevage de clarias et surtout
du tilapia qui est le ‘’poulet
aquatique’’ facile à élever, il est
apprécié pour sa chair et la femelle peut donner jusqu’à 5000 descendants en intervalle de trois mois. »
Faustin Hounkpatin, Chef service statistique et pesé au port de pêche
artisanale de Cotonou :
« Au
Bénin nous avons beaucoup d’espèces de poisson à savoir Cap,
matelot, daurades, bar, capitaine etc.…
En 2011 nous
avons eu 1 tonne 105,962 de poisson ; 2012 : 1 tonne 345,330 ;
2013 : 1 tonne 833,717 ; 2014 : 1 tonne 941,192
Nous pouvons alors
dire que cela augmente d’année en année mais la pression exercée sur nos eaux, les vas et viens des
pirogues ne sont pas contrôlés et pris en compte par les statistiques au Bénin
en tout cas à notre niveau ici.
Pour exemple
si deux personnes vont à la pêche et reviennent avec dix kilo de poissons après
c’est cinq personnes qui vont et reviennent avec douze ou treize kilo. A mon
arrivé j’ai inséré tout ça dans les statistiques. Si on parle de rareté de
poissons c’est peut être du à l’augmentation de l’exportation, au poussé
démographique.
Nos Poissons
sont très recherchés, le marché existe il suffit de développer et réorganiser
cette filière.
Quand on
prend la pêche maritime, il y a deux volets ; il ya la pêche maritime
industrielle et la pêche maritime artisanale.
La
statistique permet de suivre les espèces et de voir celles qui sont en danger,
d’alerter les autorités compétentes pour mesures à prendre.
En effet,
classées produits tropicaux, les poissons venant de l’Afrique doivent répondre
à un certain nombre de critères d’hygiène et de salubrité ; et cela pour
cause.
Tout produit
venant d’Afrique est sévèrement contrôlé au cas où ces critères ne sont pas
respectés, ils sont retournés à l’envoyeur.
Le mal c’est
que nous n’appliquons pas le principe de réciprocité et c’est dommage car ce n’est
pas parce que le produit vient de chez les blancs que c’est exempt de tout
soupçon. »
Foly Chrstophe pêcheur artisanal :
« Les
poissons se font de plus en plus rare aujourd’hui et ceci depuis près de 15
ans, la mer a été profanée, les interdits ne sont plus respectés comme au temps
de nos aïeux ; le niveau de la mer a baissé ;
La preuve
nous perdons plus de temps à pêcher aujourd’hui qu’avant.
L’augmentation
des algues dans nos côtes rend la navigation difficile. Parmi nous il y en a qui ne respectent pas
les consignes données par nos responsables et continuent d’utiliser les filets
à petites mailles ; qui prennent et les alevins et les œufs des poissons. »
Kponou Veronica revendeuse :
« Au
temps de nos aïeux tout était bien ordonné, la pêche en eaux interne était
uniquement destinée aux Tofins ; la pêche sur la côte se sont les Péddas ;
la pêche en haute mer était réservée aux bateaux de pêche.
Cette
organisation traditionnelle est bafouée et plus encore les bateaux de pêche
chinois viennent jusqu’à nos côtes pêcher ; or là où un bateau de pêche
passe les pirogues n’ont plus de chance de trouver de poissons. »
La FAO
recommande : « 24 kilo de poisson par individu et par an, alors que le
Bénin est à peine à 5 kilo de poissons par personne et par an ».
Il y a
quelques années, nous avons jusqu’à 3000 à 4000 tonnes de poissons chaque année
cela a continué jusqu’en 2004, l’année a laquelle le déclin a commencé.
Augustin
Yao Amoussougbo, secrétaire général de l’Union Nationale des Pêcheurs
Marins du Bénin :
« Au
niveau de la pêche maritime, la capture à dangereusement baisser. C’est vrai la
saison morte part de mars à juillet et il y a pendant cette période très peu de
poissons.
Cette période
était pour nos grands parents, un moment
de repos ou une période de transition à la pêche lagunaire.
Aujourd’hui,
nous pêchons en tout temps, en toute
saison avec l’abri du port autonome.
Malheureusement,
de mars à juillet de chaque année, il y a une baisse de capture et cela
constitue pour nous un période morte.
La saison de
bonne capture ne reprenne qu’en juillet. Avec l’arrivée de nouvelles espèce
telles les thons, les mâterons, les Karange, les brochets, les sardines etc.,
la pêche peut durer jusqu’en décembre, janvier voire février.
La pénurie
n’est pas spécifique au bénin, c’est un phénomène qui tend à être sous régional
voire même régional ; le Togo, le Ghana, le Sénégal, le Congo,
la situation est partout la même ; Cela est peut être du au changement
climatique.
Et comme cela
ne suffisait pas se sont les algues qui viennent s’ajouter et qui nous
empêchent d’aller en mer.
Avant sur nos
côtes, il en avait très peu mais depuis 4 ans environ c’est des tonnes et des
tonnes d’algues et en haute mer, nous ne pêchons que ses algues là. Malgré tout
ça nous avons quelques captures miraculeuses pour compenser la période morte.
L’état n’a
pas une politique de développement des pêches, et au niveau des pavillons
béninois il n’y a pas de bateau de pêche digne du nom.
Nos côtes ne sont pas surveillée, ainsi nous
subissons une concurrence qui ne dit pas son nom.
Avec le vote
de la loi cadre d’août 2014 et les décrets d’application, nous espérons que les
choses vont rentrer dans l’ordre car notre souhait est que l’état puisse jeter
un regard sur cette activité.
Si le Togo va
jusqu’à 100 000 milles tonnes de poissons par an, nous pouvons améliorer notre
rendement au bénin qui n’est que 10 000 tonnes par an.
Il suffit de
mettre sur place une règlementation, de développer notre technique de pêche
avec une période de repos biologique.
La preuve,
les zones sans engins de pêche sont celles pourvoyeuses de poissons aujourd’hui
chez nous. »
Dans les
restaurants, c’est de la triche renchérit Mohamed spécialisé dans
l’approvisionnement des restaurants.
« Le poisson
surgelé qui en temps normal devrait coûter moins chers remplace facilement le
poisson frais tropical.
Rare sont les
gastronomes qui savent distingués entre par exemple le rouget tropical et son
cousin barbet ; les deux se ressemblent comme deux gouttes d’océan. Les
services de concurrence et de la fraude du ministère du commerce devrait
reprendre du service ou multiplier les contrôles afin d’épingler les
restaurants indélicats ».
Commentaires
Enregistrer un commentaire